N’attends pas que ce soit parfait pour jouer

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Pour profiter au maximum de cet article, écoute ce morceau: https://vimeo.com/200359565 

Cet album de Keith Jarrett a bercé mon enfance.

Dès les premières notes, c’est un chef d’oeuvre.

Je l’écoute avec encore plus d’admiration depuis que je connais l’histoire derrière cet album.

L’organisatrice du concert: Vera, 17 ans (la plus jeune organisatrice de concert en Allemagne à cette époque, en 1975) avait réussi a faire venir Keith Jarrett à l’Opéra de Cologne dans le cadre de sa tournée européenne.

Keith avait demandé un piano bien particulier: le plus grand piano de concert possible (un Bösendorfer model Imperial 290) — mais suite à une grève de transport le piano n’avait pas pu être livré, et il y avait sur place qu’un vieux piano d’étude en piteux état, non accordé et trop petit pour la salle. Keith était ultra fatigué, avait mal au dos et en voyant ces conditions — il a refusé de jouer.

Vera a insisté comme une forcenée pour qu’il reste puisque le concert se jouait a guichet fermé et elle voulait honorer son engagement, et sa réputation.

Keith a fini par céder, le piano a été accordé ( enfin ce qu’il pouvait être) pendant qu’il dînait, et jusqu’à ce que la sonnerie de l’Opéra annonçant le début du concert sonne sa dernière note, il ne savait pas ce qu’il allait jouer.

C’est avec les 4 notes de la sonnerie de l’Opéra de Cologne annonçant le début de la représentation qu’il a démarré son concert et son improvisation magistrale. Il a joué principalement avec les touches du milieu du piano car les autres étaient cassées, il a dû frapper fort sur les touches du piano afin que le son puisse atteindre les spectateurs du fond de la salle. Il s’est levé, rassis, a marmonné, crié, tapé sur le piano et a créé une merveille alors que la raison et tous les facteurs « rationnels » étaient d’excellentes excuses pour ne rien faire. Abandonner était plus simple que de risquer de mettre en jeu sa réputation et sa renommée.

Keith n’avait pas l’habitude de jouer dans ces conditions, il était complètement en dehors de sa zone de confort, les conditions étaient clairement pourries. Et Keith a créé un CHEF D’OEUVRE. Est-ce qu’il dirait qu’il a créé une oeuvre parfaite? Probablement pas… et donc l’imperfection crée des splendeurs! Ça alors !!

Quelle inspiration pour moi qui pourrais avoir une fâcheuse tendance perfectionniste, à attendre que ce soit nickel pour commencer, à abdiquer si ce n’est pas comme je le voudrais….

Et pourtant, j’ai plutôt évolué avec ces deux principes:

Un des principe du Lean Management avec lequel j’ai énormément travaillé dans l’industrie «Préférer 80 % d’amélioration maintenant à 100 % demain »

Le proverbe : « Mieux est l’ennemi du bien »…

L’expérience de ces 18 derniers mois, m’a fait revoir complètement ma vision du perfectionnisme.

D’abord, j’avais un goût pour le coaching, une intuition tenaillée au ventre que c’était par là que je pourrai aider les femmes à accepter la puissance de leur propre leadership et à atteindre les postes qu’elles désiraient. Mais, j’en étais pas sûre, et si ce n’était qu’un leurre, une fuite… ? La seule façon de le savoir était de l’expérimenter.

Pour me lancer, j’ai bien dû accepter que mes coachings ne seraient pas au niveau que je voulais, mais qu’il fallait bien que je commence à agir, à concrétiser afin de pouvoir m’améliorer par la suite. Ce n’est pas en enchaînant les formations, les livres et la théorie que je serai la meilleure, mais bien dans l’action, en expérimentant dans des coachings. Là où je ne suis pas prête à lâcher c’est mon niveau d’exigence, j’ai donc pris des coachs et des superviseurs très expérimentés tout de suite afin d’avoir du feedback sur ma pratique, je n’ai évidemment pas fait l’impasse sur la formation, et les livres qui sont d’autant plus nourrissants que j’ai pu les adapter, tester tout de suite…

Je vois clairement ma courbe de progression dans mes coachings, et cela ne cessera d’augmenter. Et ça me plaît de savoir que je suis en mouvement permanent, que mes erreurs sont des formidables occasions d’apprendre, de m’améliorer sans cesse.

En fait, ce qui se cache derrière mon perfectionnisme c’est de la peur, peur de mal faire, peur de me tromper, peur de déplaire, peur de l’inconfort… Certaines peurs, j'ai pu les voir toute seule, fastoche ! Pour d'autres, c'était bien enfoui 1000 pieds sous terre, et c'est seulement en me faisant coacher que j'ai pu aller les débusquer, et ce n'était pas une partie de plaisir. J'ai encore du chemin à faire pour aller regarder certaines peurs en face, et d'autres se rajouterons sûrement le long du chemin. 

Et pour moi, le premier remède à la peur, c’est de faire, d’avancer. Ensuite d’observer ce que j’en retire, si cela a été bénéfique ou pas… de faire le point sur mes erreurs, échecs et axes d’amélioration.

Mais tant que je n’ai pas fait, je peux tourner en boucle longtemps…

Un autre principe du Lean Management: « Penser à comment faire plutôt qu’expliquer pourquoi on ne peut pas faire », en gros arrêter de se trouver des excuses!

Et toi quel est ton rapport au perfectionnisme? Est-ce que cela te bloque à agir? Si oui, réfléchis aux peurs qui se cachent sournoisement derrière cette quête de perfection? 

Aurore